mercredi 18 novembre 2009

Fédéralisme vs Séparatisme (13)

L'INTERVIEWER - Si vous étiez sympathique à la cause des indépendantistes, qu'est-ce que vous leur conseilleriez?

L'INTERVIEWÉ - De négocier préalablement le processus d'accession à la souveraineté avec le reste du Canada. S'ils ne font pas cette étape cruciale, ils se feront prendre dans le détour post-référendaire par nul autre que la communauté internationale. Il faut rappeler également à cet égard la loi sur la clarté référendaire, qui implique une question claire afin de dégager une majorité claire.

L'INTERVIEWER - Mais 50% + 1 est une majorité claire, non?

L'INTERVIEWÉ - Suivant la question de 1995, cette majorité ne donnerait pas un chèque en blanc afin de faire la souveraineté. C'est pour cette raison que je crois bien humblement que les souverainistes ont tout avantage à déterminer la question référendaire avec le Canada, même si les discussions seront houleuses et difficiles.

L'INTERVIEWER - Néanmoins, vous concédez que le sort des Québécois restent entre les mains des Québécois.

L'INTERVIEWÉ - Certes, la question référendaire concerne d'abord l'Assemblée Nationale mais le sort des Québécois concerne le sort des Canadiens. De toutes façons, le Canada ne laissera pas le Québec s'en aller tout bonnement sans poser de conditions. On se prépare des lendemains de veille difficiles si on ne joue pas franc-jeu avec nos voisins provinciaux immédiats.

L'INTERVIEWER - D'autres conseils pour les séparatistes?

L'INTERVIEWÉ - Pourquoi ne pas tenir des référendums sectoriels sur des pouvoirs partagés entre le provincial et le fédéral? Cette façon de faire est beaucoup plus appropriée en vue de donner de l'autonomie au Québec tout en lui garantissant une place à l'intérieur de la fédération canadienne. À force d'obtenir l'exclusivité dans des domaines de juridiction étatique, le Québec deviendrait peu à peu un état à part entière, et réformerait par la même occasion le Canada, comme le souhaite nombre d'autonomistes. Le Rapport Allaire, ça vous dit quelque chose?

L'INTERVIEWER - Ne rentrons pas dans des considérations adéquistes...

L'INTERVIEWÉ - Pourtant, si l'ADQ avait gardé le cap contre vents et marées sur ce projet de Jean Allaire, l'ADQ serait encore vivant, peut-être même au pouvoir, et un nouveau Canada sans séparatisme aurait vu le jour, j'en suis persuadé. Mais ils se sont perdus en cherchant à charmer les électeurs. Voilà le résultat de leur avilissement: un parti moribond plus fédéraliste qu'autonomiste. Un PLQ de faillite.

L'INTERVIEWER - Vous semblez plein de bon conseils pour les séparatistes. Avez-vous encore des conseils à leur donner?

L'INTERVIEWÉ - Deux derniers conseils sous l'angle du gros-bon-sens: pourquoi ne pas privilégier une élection référendaire comme le proposait Louis Bernard, candidat défait lors de la course à la chefferie péquiste de 2005? Si les péquistes prennent le pouvoir, ils enclenchent automatiquement le processus d'indépendance. Évidemment, ils ne reprendront pas le pouvoir de sitôt, voir jamais selon moi. Mais c'est être cohérent avec le discours indépendantiste; on ne peut militer pour la souveraineté et agir pour un Canada meilleur. Ne trouvez-vous pas la chose paradoxale? Deuxièmement, les souverainistes devraient unir leurs forces. La division est toujours nuisible et les souverainistes laissent dans ces conditions le champ libre aux fédéralistes. Tant qu'à moi, je me réjouis de cette zizanie. Seul hic, je ne peux plus dire "maudit péquiste" quand je conspue les souverainistes puisqu'il y a en plus Québec Solidaire et le Parti indépendantiste, qui militent pareillement en faveur du séparatisme.

L'INTERVIEWER - Des conseils pour les fédéralistes?

L'INTERVIEWÉ - De s'unir au Québec! Ils devraient faire front commun sous la bannière d'un seul candidat lorsque le comté est hors de portée des candidats fédéralistes les plus faibles. Le Bloc Québécois passe souvent dans des circonscriptions avec une minorité de votes. Par exemple, si 35% votent pour le Bloc, on a quand même 65% qui ont votés, disons à part égal, pour les Conservateurs, Libéraux et Néo-Démocrates. C'est un combat inégal qui ne peut être résolu que par l'union des forces fédéralistes. Secundo, ne jamais laisser l'espace politique inoccupé ou occupé par les séparatistes. J'ai bien des griefs contre Harper et ses sbires, mais au niveau de leurs manœuvres pro-actives à l'égard du Québec (le reconnaître comme nation, par exemple), je dois admettre qu'ils ont frappé là où ça fait mal: à l'égo des séparatistes (ces derniers ne sont pas seuls, selon les apparences, à faire cheminer le Québec vers son affermissement). Pour finir, je conseille fortement aux fédéralistes de laisser tomber toutes formes d'arrogances devant les souverainistes; l'arrogance ne fait que les exalter et les confirmer dans leur prétention de martyrisés. Laissez le RRQ s'égosiller, laissez les Parizeau de ce monde parler de leur rêve, laissez les péquistes jongler entre référendums d'initiatives populaires et référendums sectoriels. Ils se calent dans leurs propres débats pendant que les individus post-modernes discutent des vrais affaires: le réchauffement climatique, la crise économique, la montée de l'extrémisme, l'inversion de la pyramide des âges, la pérennité de la gratuité des soins de santé et l'avènement du nouvel ordre mondial avec son asymétrique multipolarité.

L'INTERVIEWER - Je vous laisse le mot de la fin, Monsieur Langlois.

L'INTERVIEWÉ - Le Canada est sans l'ombre d'un doute le plus beau pays du monde. Tout le monde mange à sa faim. Tout le monde peut travailler. Tout le monde peut changer son destin s'il le désire réellement. Nous possédons une riche diversité culturelle. Nous possédons une abondante profusion de ressources naturelles. Nous possédons l'un des plus vastes pays du monde. Il n'y a aucune limite. Nous avons participé à cette réussite. Dans une certaine mesure, le Canada appartient au Québec. Le Canada sans le Québec n'est plus le Canada; c'est des provinces qui risquent juste de s'annexer au États-Unis. Je ne veux pas voir la balkanisation de mon pays avec les conséquences d'une telle dislocation. J'appelle les séparatistes à mettre leur énergie sur quelque chose de positif: construire une société de partage avec leurs partenaires canadiens et à promouvoir la culture québécoise à travers le pays, comme le Québec a su le faire depuis le début de la confédération. Il y aura toujours des négociations; c'est le propre d'une fédération. Mais avec obstination et collaboration, nous modèlerons ce pays pour qu'il réponde à sa définition: respecter scrupuleusement les droits de la personne, toujours s'opposer à la tyrannie, être pour le monde un exemple parfait de loyauté et soutenir dans l'harmonie notre fière liberté.

FIN

3 commentaires:

  1. Bonjour François,

    Je dois admettre que vous cernez très bien la psyché québécoise. Vous est parfaitement conscient que le plus grand obstacle à l’indépendance du Québec actuellement est la crainte de plusieurs citoyens de voir leur situation économique diminuée. Vous savez utiliser cette faiblesse pour faire valoir vos idées. Vous utilisez de vieilles rengaines proférées lors du référendum de 1980 (la perte des pensions de vieillesse par exemple), des menaces de représailles de la part du Canada et des allusions à la guerre civile. Dans votre série de texte, vous n’avez pas démontré les avantages pour les Québécois de faire partie du Canada, mais plutôt réprimandé, sentencié et menacé. C’est sans doute ce que l’on appelle le fédéralisme d’ouverture.

    Le travail des indépendantistes est de démontrer que l’indépendance, bien qu’elle ne soit pas une panacée à l’ensemble des problèmes du Québec, offre de grandes opportunités à la nation québécoise. En fait, les mêmes opportunités dont les Américains, les Allemand ou les Japonais jouissent. Les opportunités des États indépendants. Demandez aux citoyens d’une de ces nations s’ils sont prêts à devenir la province d’un pays voisin. Ils vous diront ce qu’ils ont peur de perdre.

    L’indépendance c’est tout simple :

    1) le pouvoir de légiférer dans tous les domaines d’activités
    2) la perception de l’ensemble des taxes et impôts
    3) le contrôle de nos relations internationales

    C’est tout simple, mais cela signifie le pouvoir d’orienter le développement économique, culturel et social en fonction des besoins et des valeurs des citoyens québécois. Dans l’ensemble canadien les décisions sont prises en fonction des besoins et des valeurs des citoyens des 10 provinces et 2 territoires. Il est donc normal que les intérêts du Québec ne soient pas toujours bien servis nuisant à son plein développement.

    Près de la moitié des Québécois se sont prononcés en faveur de l’indépendance en 1995, du 50 % restant au moins 15 à 20 % désirent plus d’autonomie pour le Québec à l’intérieur du Canada. Ainsi, l’option fédéraliste pure se voit marginalisée. Et vous le savez bien. Ce n’est pas pour rien que vous ouvrez la porte à l’autonomisme.


    Les chiffres dévoilés par Jacques Parizeau lors du colloque des IPSO démontrent cet état de fait.
    http://vigile.net/J-Parizeau-Discours-de-cloture-au

    En ce qui concerne votre proposition d’utiliser l’élection comme mode d’accès à l’indépendance, je partage en partie votre position. J’ai défendu sur mon blogue les avantages d’une élection décisionnelle (gagnée à 50% + 1 des voix et non des sièges contrairement à l’élection référendaire) portée par une coalition de partis proposant l’indépendance comme plateforme électorale.

    Et si le PQ proposait l’indépendance ?
    http://reflexionsquebecois.blogspot.com/2009/07/et-si-le-pq-proposait-lindependance.html

    Bonne journée!

    RépondreSupprimer
  2. Cher Casimir,

    J'ai pris tardivement connaissance de vos commentaires. Vous êtes un individu plein de répartie et j'adore ça. Je vais à mon tour m'essayer à cet exercice.

    Sachez que je ne carbure pas à la peur. Je veux simplement vivre dans un très grand pays dont mes ancêtres ont exploré chacune de ses contrées. Je veux m'épanouir dans ce pays que je connais: un pays de paix sociale, de liberté et de bonhomie, la bonhomie de ce peuple "sans saveur". Rien n'est moins sexy qu'un Canadien... et c'est très bien comme ça.

    Néanmoins, dans une certaine mesure, et là mes amis fédéralistes voudront me lapider (tant pis), je souhaite la souveraineté du Québec. Pour l'aventure, voir le résultat et finalement devenir à plus ou moins long terme un vassal des États-Unis. Tous nos problèmes disparaîtront. Par exemple, quel Louisianais se souvient de son passé français?

    Croyez-vous que l'oncle Sam va nous laisser se libérer sans rien faire? Bof! Ce ne sont que des pronostiques et ils valent ce qu'ils valent.

    Car j'en suis parfaitement convaincu: d'une façon ou d'une autre, de toutes les façons possibles (sachez lire tous les niveaux de lectures impliqués dans ce que je viens d'écrire), vous ne verrez jamais la pleine souveraineté du Québec.

    Passez une bonne fin de vie Casimir.

    P.S.: Pourquoi vous cachez sous un pseudonyme?

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour François,


    Je ne partage pas votre opinion sur la possible annexion du Québec aux États-Unis à la suite de l’indépendance du Québec (comme vous parlez de la Louisiane, je présume que vous parlez d'annexion). Personnellement, je crois qu’une telle annexion n’est pas dans les plans des États-Unis. Je crois que le contexte politique international ne s’y prête pas et que les conséquences négatives sur la réputation des États-Unis seraient beaucoup plus lourdes que les avantages de telle annexion.

    Mais comme vous évoquez cette possibilité, j’apprécierais que vous développiez davantage votre opinion c’est-à-dire :

    1) quels avantages les Étatsuniens retireraient-ils de cette annexion?
    2) de quelle manière pourraient-ils s’y prendre pour nous annexer?
    3) de quelle manière justifieraient-ils cette action sur la scène internationale?

    En terminant, je m’explique en ce qui concerne l’utilisation d’un pseudonyme. Je considère les discussions que j’entretiens dans la blogosphère comme celle que j’entretiens dans ma vie. Des discussions de salon qui ne méritent pas toutes d’être publiées dans un journal ou couchées dans un livre.

    J’interviens également en utilisant mon nom lorsque je propose un point de vue plus articulé.

    Au plaisir de vous lire

    Bonne journée

    RépondreSupprimer