dimanche 28 août 2011

Les particules élémentaires

Le récit, en trois parties, se déroule entre le 1er juillet 1998 et le 27 mars 2009, et raconte l'histoire alternée de deux demi-frères, Bruno et Michel, nés à la fin des années cinquante, que les hasards de la vie (et un coup de pouce des géniteurs) ont mis à un certain moment en relation.

Leur mère, Janine, a vécu à fond les idéaux de la société permissive. Née en 1928, elle grandit en Algérie (où son père était venu travailler comme ingénieur) et vint à Paris pour compléter ses études. Elle danse alors le Bebop avec Jean-Paul Sartre (qu'elle trouvait remarquablement laid) ; a beaucoup d'amants (elle était très belle) et se marie avec un jeune chirurgien viril qui a fait fortune dans le domaine relativement nouveau à l'époque de la chirurgie plastique. Le couple divorce deux ans après la naissance de Bruno, puis abandonne ce dernier et son frère Michel à des grands-parents très patients. Janine part vivre dans une communauté en Californie ; des analepses permettent de constater la négligence qui régnait à la maison et la brutalité de l'école que fréquentent Bruno et Michel. Aucun des deux frères ne s'est vraiment remis de ces débuts dans la vie.

Michel Djerzinski, abandonné par ses parents, a vécu avec sa grand-mère dont la mort provoqua chez lui un traumatisme violent qui lui interdira par la suite d'éprouver de vrais sentiments. Il n'a jamais ressenti aucun sentiment profond envers ses semblables, hormis peut-être envers sa grand-mère, qui l'a élevé et qui symbolise à ses yeux une espèce en voie de disparition qu'il décrit comme « des êtres humains qui travailla[ent] toute leur vie, et qui travaill[ent] dur, uniquement par dévouement et par amour ; qui donna[ent] littéralement leur vie aux autres dans un esprit de dévouement et d'amour. » Michel a connu un amour d'adolescence, Annabelle, qui se détache de lui pour le fils d'un des amants californiens de Janine, lequel se voulait une rock-star. Désormais il mène une existence grise entre son supermarché Monoprix et le laboratoire parisien du CNRS où il mène des expériences de pointe sur le clonage des animaux. L'unique personne dont il ne soit pas éloigné par des années-lumière, est son demi-frère Bruno.

Il donne son congé après quinze années passées, sans donner d'autre explication à ses supérieurs que le besoin de temps « pour penser ». Il a peur de la vie et trouve refuge derrière un écran de certitudes positivistes et dans la relecture de l'autobiographie de Heisenberg. Célibataire et indépendant, Michel (qui a perdu sa virginité à trente ans) se sent incapable d'aimer et a peu de désir sexuel, contrairement à son demi-frère de quarante-deux ans, Bruno, qui est obsédé par le sexe : « Michel vivait dans un monde [...] rythmé par certaines cérémonies commerciales - le tournoi de Roland-Garros, Noël, le 31 décembre, le rendez-vous biannuel des catalogues 3 Suisses. Homosexuel, il aurait pu prendre part au Sidathon, ou à la Gay Pride. Libertin, il se serait enthousiasmé pour le Salon de l'érotisme. Plus sportif, il vivrait à cette même minute une étape pyrénéenne du Tour de France. Consommateur sans caractéristiques, il accueillait cependant avec joie le retour des quinzaines italiennes dans son Monoprix de quartier. »

Durant ces années, Annabelle a pris part à des orgies et a eu deux avortements. Après leurs retrouvailles, Michel fait dans ses bras une expérience quasi mystique qui lui procure une vision de l'espace « comme une ligne très fine qui séparait deux sphères. Dans la première sphère était l'être, et la séparation ; dans la seconde sphère étaient le non-être, et la disparition individuelle. Calmement, sans hésiter, il se retourna et se dirigea vers la seconde sphère ». Leur tentative pour rebâtir ce qu’ils ont perdu est gênée par la froideur émotionnelle de Michel ; il ressent de la compassion pour elle mais pas d'amour.

Dans son enfance, son demi-frère Bruno a été victime de viols à répétition et d'humiliations quotidiennes dans un internat. La souffrance de Bruno à l'école est aggravée par le relâchement délibéré de l'autorité scolaire à la suite des protestations de Mai 68, l'accent étant désormais mis sur l’auto-discipline : « l’année 1970 vit une extension rapide de la consommation érotique ». Adolescent, Bruno a l'habitude de se masturber secrètement alors qu'il est assis près d'une jolie fillette dans le train qui le ramène de l'école. Parachuté dans l'appartement bohème de sa mère durant les vacances d'été, pâle et déjà trop gros pour ses dix-huit ans, il se sent embarrassé et mal à sa place en présence des amants hippies et bronzés de sa mère, et face à l'impatiente insistance de celle-ci à discuter de ses inhibitions sexuelles. La haine que nourrit Bruno pour Janine trouve son expression des années plus tard lorsqu'il lui crache des insultes à la figure alors qu'elle est couchée sur son lit de mort.

Bruno enseigne maintenant la littérature dans un lycée de Dijon et aspire toujours à devenir écrivain. Aux yeux de Michel, Bruno approche de la crise de la quarantaine (il s'est mis à porter un manteau de cuir et à parler comme un personnage de film à suspense de série B).

Au bord du divorce et avec un bébé, dans une quête sexuelle sans espoir, il sort dans les nightclubs lorsqu'il est supposé surveiller leur fils ; il est continuellement en quête de rencontres sexuelles très souvent désastreuses : « il enfila un caleçon de bain, glissa des préservatifs dans sa sacoche d'un geste qui lui arracha un rire bref. Pendant des années il avait porté des préservatifs sur lui en permanence, ça ne lui avait jamais servi à rien ; de toute façon, les putes en avaient ». À d'autres moments, il surfe pour chercher du porno sur Internet (avec pour résultat une facture de téléphone de 14.000 francs qu'il cache à sa femme). Bruno, est totalement immergé dans la vie, son désir le conduit à multiplier les expériences (mariage, lingerie, salon de massage, prostitution, Minitel rose, échangisme, partouze, sex-shops, etc.).

Dangereusement attiré par ses élèves adolescentes, il provoque le petit ami noir de l'une d'entre elles au point de s'attirer des représailles et des railleries. En un moment de jalousie rageuse, il se lance dans un tract raciste envoyé à L'Infini, une revue publiée par Philippe Sollers.

Bruno rencontre Christiane lors d'un séjour au Lieu du Changement, camping post-soixante-huitard tendance new age. Comme Christiane, qui a cinquante-cinq ans, mère divorcée d'un garçon d'une dizaine d'années, il est venu là pour le sexe. Pour elle les ravages de la génération de 68 sont évidents sur les femmes qui participent aux ateliers : « En général elles ont fait une analyse, ça les a complètement séchées ». Avec elle, il fonde une famille et construit donc un certain équilibre - qu'il détruit aussitôt après. Christiane emmène Bruno dans un implacable voyage de sexe en groupe avec des touristes allemands et d'orgie en boîte de nuit parisienne mal famée.

Alors que la frustration conduit Bruno aux portes de la folie et du suicide, et après la mort d'Annabelle, Michel s'engage dans une réflexion solitaire qui entraînera une révolution scientifique comparable à l'œuvre d'Einstein : en dissociant radicalement la reproduction du plaisir, il permettra à l'humanité de connaître enfin la paix. On retrouve Michel dans un Centre de Recherche de Génétique à Galway ; sa vie a reçu un nouvel élan à cause d'une théorie révolutionnaire qu'il a développé : convaincu que la race humaine est condamnée par sa lutte insensée contre l'angoisse de la mort, et par la contradiction entre vie moderne d'une part et d'autre part la vie affective inhérente à la reproduction, il travaille à un projet de race génétiquement modifiée, immortelle et stérile - bien que non dénuée de personnalité ni de plaisir sexuel. Son travail, qui est poursuivi après sa mort en 2009, conduit à rien moins que la création, en 2029, d'une race génétiquement contrôlée et finalement à l'extinction de la race humaine.

Les particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998, 393 p.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Particules_%C3%A9l%C3%A9mentaires

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